Des chercheurs des universités de Georgia, Stanford et du Connecticut viennent de publier les résultats d’une expérience pour le moins surprenante qu’ils ont menée sur un groupe de bénévoles. Munis d’un casque de réalité virtuelle, ceux-ci sont entrés dans la peau… de vaches menées à l’abattoir ; puis de polypes (des êtres marins) dont les membres sont rongés à cause de l’acidification des océans. Vous avez dit bizarre ? Pendant ce temps, en France, une équipe de psychiatres a conçu un environnement virtuel dans lequel le sujet qui y évolue (grâce à un casque de réalité virtuelle) subit les symptômes de la schizophrénie ! Et les conclusions sont toutes les mêmes de part et d’autre de l’Atlantique : la réalité virtuelle suscite, voire accroît l’empathie des individus !
Dans la peau d’une vache à l’abattoir avec la réalité virtuelle
Nous avions évoqué ce jeux de réalité virtuelle qui plonge les joueur dans un monde ou un chaton se balade sur une poutre en haut d’un building au risque de s’écraser. Autre expérience : casque de réalité virtuelle sur la tête, un panel de volontaires s’est immergé dans la peau de vaches poussées à l’abattoir à grands coups de décharges électriques. Changement de décor. Ils ont ensuite vécu la vie de polypes, des êtres vivants marins dont les membres sont rongés par l’acidification des océans. L’expérience est plutôt saugrenue de prime abord. Elle a été menée aux États-Unis par des chercheurs des universités de Georgia, de Stanford et du Connecticut.
Les résultats de cette étude, qui viennent tout juste de sortir dans le Journal of Computer-Mediated Communication, montrent que l’expérience a suscité l’empathie des participants et augmenté leur conscience environnementale. Le traumatisme causé par cette immersion virtuelle a en effet duré une semaine, contre quelques minutes/heures pour un autre panel de participants qui, lui, s’est contenté de regarder des vidéos sur le même thème.
La réalité virtuelle pour une prise de conscience profonde et violente
Autre étude, mêmes effets : des chercheurs du Virtual Human Interaction Lab se sont quant à eux essayés à plonger leurs cobayes dans la peau de bûcherons chargés de détruire des séquoias dans un environnement virtuel. Pendant ce temps, un autre panel ne faisait que regarder l’abattage d’arbres. Au final, les résultats de l’étude révélaient que le panel « bûcheron » recyclait d’avantages ses déchets de la vie courante qu’avant l’expérience, mais aussi d’avantage que le panel « observateur » qui, lui, n’avait pas modifié son comportement suite au visionnage des vidéos.
« Un des plus gros problèmes avec les questions environnementales, c’est qu’il y a un décalage temporel énorme, explique Grace Ahn, l’une des chercheuses de l’Université de Georgia, comme si tout ce que vous faisiez au présent n’était pas relié à un quelconque problème environnemental dans le futur. La réalité virtuelle est un outil extraordinaire pour démontrer les relations causales entre les choses : voilà ce que vous faites aujourd’hui et voici ce qui en résultera dans 100 ans ».
Durant ces deux études, l’expérience immersive – l’effet sensoriel provoqué par la réalité virtuelle – a bel et bien enclenché une prise de conscience immédiate, en profondeur, contrairement au simple visionnage d’une vidéo de sensibilisation.
La réalité virtuelle pour entrer dans la peau d’un schizophrène
C’est en France cette fois-ci qu’une équipe de psychiatres a conçu un simulateur grâce auquel la personne se retrouve immergée dans la peau d’une personne souffrant de schizophrénie. Vous enfilez un casque de réalité virtuelle et vous vous retrouvez, vous-même, plongé dans un décor de la vie quotidienne (le salon, la rue, le bus, la bibliothèque…). Tout au long de vos déplacements dans le monde virtuel, vous subissez les symptômes de la schizophrénie : hallucinations visuelles, auditives… Vous montez dans le bus et tout le monde vous regarde d’un air agressif ou moqueur. Une petite voix vous répète sans cesse que vous ne valez rien, que vous faites tout de travers. Vous êtes assis dans un canapé et regardez la télévision, mais le présentateur de l’émission s’arrête de parler, vous montre du doigt à travers l’écran et vous indique que vous êtes un bon à rien. Vous éteignez la télé, vous apercevez, dans le reflet de l’écran, une ombre humaine assise à côté de vous. La bibliothécaire rencontrée dans ce monde virtuel vous explique le fonctionnement des lieux, mais vous ne comprenez rien…
Comprendre ce que subissent les malades pour mieux les accompagner
Le problème des schizophrènes est qu’il leur est difficile de distinguer le réel de l’hallucination. Les gens dans le bus vous regardent-ils réellement d’un air agressif ou est-ce la maladie ? Les schizophrènes entendent par ailleurs souvent des petites voix qui les rabaissent, les critiques… Tout y est. Au fur et à mesure de l’avancement dans le jeu, le cobaye se sent pour le moins découragé, chacune de ses actions est rabaissée par sa voix intérieure, il est perplexe de ne pas comprendre certaines interactions, effrayé de voir des ombres…. L’immersion est totalement sensorielle et cela n’est possible qu’en enfilant un casque de réalité virtuelle.
« Ce simulateur pourrait aider à comprendre la maladie et à la déstigmatiser », a expliqué Yann Hodé, psychiatre dans le centre hospitalier du Jura Bernois et à l’initiative de ce projet. Il est essentiellement conçu à destination des proches des malades, qui peinent parfois à les comprendre, et, de fait, à agir et à les accompagner dans le bon sens. Effet empathie garanti avec cette expérience hors du commun !
En voilà une belle perspective ! La réalité virtuelle suscite, voire augmente l’empathie ! L’approche sensorielle que procure l’immersion dans un environnement virtuel est une bonne piste pour accroître les bénéfices des actions de sensibilisation à tout type de cause, pour des effets en profondeur si la réalité virtuelle est pratiquée à titre pédagogique auprès des enfants et jeunes adultes.
Se sensibiliser à l’impact que peuvent avoir la réalité virtuelle sur notre équilibre personnel
Ces expériences nous montrent à quel point les expériences de réalité virtuelles peuvent influencer notre perception des choses. C’est une démarche intéressante qui pourra certainement être utilisée dans de nombreux domaines comme le bien être, la compréhension de certaines problèmes ou situations. A l’inverse, on peut imaginer les effets dévastateurs que pourrait avoir la réalité virtuelle si elle était mal utilisée (jeux violents, émission manipulatrice, …). Surtout que certains jeunes friands de sensations fortes qui sont actuellement capables de passer plusieurs heures par jour sur leur jeux pourront s’isoler dans leur monde pour vivre des expériences « on-line » de plus en plus réalistes sans que l’entourage ne puisse avoir connaissance du contenu, et ce, même s’il est situé juste à coté …
Cette expérience nous permet de prendre conscience de perspectives intéressantes, elle peut aussi nous aider à prendre conscience de l’impacte que pourraient avoir les expériences non maîtrisées.
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